lundi 6 mars 2023

Macron : un fidéicommis qui tourne mal

Trois ans déjà et toujours la même rengaine

Plus bas, ce que j'écrivais il y a déjà trois ans à propos de la première réforme des retraites de l'ère Macron, heureusement avortée. En la relisant je me suis dit que l'histoire se répétait, ou presque.

Si le "un euro cotisé..." a disparu, la mesure d'âge de départ s'est durcie : l'âge d'équilibre est devenu âge couperet, provoquant l'ire de tous les syndicats et d'une grosse majorité de nos concitoyens. Le fait que les plus touchés soient les femmes, les carrières longues ou frappées de pénibilité, n'échappe maintenant à personne et rend encore plus odieuse cette réforme.

Mais l'objectif de la réforme reste inchangé : faire en sorte que la part du PIB consacrée aux retraités soit inférieure à 14%. Réduire les dépenses sociales, tel est le mantra du gouvernement. On a sabré sur le dos des chômeurs, au tour des retraités maintenant !

Un fidéicommis du "grand capital" envers Macron

Le terme de fidéicommis est sans doute impropre car le grand capital dont Macron est l'homme lige est toujours là, et toujours plus ventripotent. Mais très discret, tout se passe en coulisse.

Macron, ni droite ni gauche, est viscéralement libéral voire ultralibéral. Ses propos au débotté ressuent ses convictions qui frisent la haine de classe envers les petits, les derniers de cordée, ceux qui trouveraient tous les jobs du monde s'ils daignaient traverser la rue, ceux qui ne travaillent pas assez ...

Aussi a-t-il la jusqu'ici la confiance et le soutien de ses maîtres, bien mieux que Hollande, libéral viscéral mais se croyant de gauche, ce qui induisait une conduite erratique et inconséquente. 

Avec Macron pas de surprise et une formule magique géniale pour tromper : des mesures 3/4 de blanc à droite, mais un zeste de rouge à gauche. Il y en a pour tout le monde ... mais pas dans les mêmes proportions ! Reste juste un soupçon d'alcool et de tannin pour faire passer les pilules. Même si cette formule commence à être éventée, elle permet toujours à nos ex pseudo-socialistes de se donner bonne conscience. Malgré ses discours, cette moyenne bourgeoisie salariée a compris depuis le début que ses intérêts de classe étaient du côté de Macron. (Notons au passage, que cette classe est peu touchée par le recul de l'âge de la retraite, car l'âge effectif de départ est en moyenne déjà au-delà de 64 ans.) Mais ça fait quand même un socle électoral étroit et peau de chagrin, car les classes moyennes se précarisent. Il y a de quoi inquiéter les maîtres.

Est-il devenu fou ?

Il semble en effet que, isolé et aveuglé par le pouvoir jupitérien, Macron ait perdu le sens des réalités.

Au delà du parfait sophisme affirmant que les français ont voté pour lui, et donc aussi pour les 65 ans, faire passer légalement sa loi ne la légitime pas pour autant : 2/3 des français contre et qui la jugent inique, des débats croupions au parlement, des ministres qui bafouillent des contre-vérités, traduisant une impréparation coupable et condamnable.

En plus cette loi est techniquement absurde avec sa limite couperet, chère à Jupiter : pour tenter d'en atténuer l'injustice, les mesures de compensation bricolées à la hâte risquent de coûter plus cher que les économies attendues. Il est clair que dans une optique libérale mais rationnelle, il valait mieux jouer sur la durée des cotisations pour atteindre le taux plein, ou les paramètres du calcul de la rente. Et jouer quelques notes susceptibles d'amadouer la CFDT et la CGC. 

Tout se passe comme si Zeus voulait avoir raison du peuple ... ce qui borde le lit de Le Pen et du populisme. Car immanquablement, le ressentiment va durer et s'enfler au point de, au mieux, s'abstenir...


L'article d'il y a 3 ans :

Ni de droite, ni de gauche...

Effectivement le capitalisme - je ne sais plus qui l'a dit - n'est ni de droite, ni de gauche. Il est lui-même, qui peut aussi bien s'accommoder d'une gauche Hollandaise molle qui accepte une logique de marché très peu régulé, que d'une droite imbibée d'idéologie libérale.
Mais Macron réussit le tour de force d'incarner un libéralisme complètement débridé et sans état d'âme tout en le masquant derrière un rideau de fumée. Mieux que Sarko !
Ceci dit j'ai toujours du mal à comprendre comment bon nombre d'ex gens de gauche n'ont pas la lucidité nécessaire pour le voir. 
Pourtant, les premières mesures en faveur des plus riches auraient du déciller les yeux. Ceci, et le grignotage méthodique et systématique du système d'aide social, à coups de réductions de budget, de compression de personnel social, de réductions des subventions : pas un secteur d'épargné. Il est vrai que chaque fois, cela se fait au nom de la rationalisation mais avec, à la clef, des baisses globales.
C'est l’écœurement  qui nous saisit en regardant le tableau d'ensemble.

La réforme des retraites est emblématique à cet égard.

Au nom de l'égalité de traitement on prétend supprimer les "privilèges" des régimes spéciaux en les alignant sur un régime général, lui-même sérieusement attaqué.

Le premier objectif sous-jacent, souvent passé au second plan est simple : faire baisser au-dessous des 14% du PIB les pensions des retraités. Les pensions de retraite sont un salaire différé : comme il n'est pas question d'augmenter le "coût du travail", autrement dit la rémunération du travail, cela signifie que l'objectif est d'augmenter la rente du capital.
C'est la boussole du quinquennat : il n'y a pas une mesure qui de près ou de loin s'écarte de cet objectif. Et quand ça crie trop d'un côté, style gilet jaune, on prend à Paul (sans le dire) pour donner à Pierre : c'est comme dans un lit à 2 (ou plus) avec une couverture trop petite.
Quelquefois ça finit très mal d'ailleurs. Et l'on fait le lit ... du populisme.
 
Pour masquer cette obsession libérale, quoi de mieux que de passer à un système à points qui permet de la diluer dans un épais brouillard. En plus c'est un système, sur un paramètre duquel il suffit de jouer, pour baisser les pensions à venir : les promesses d'aujourd'hui de maintien du niveau du point n'engagent que ceux qui y croient. 

Il a fallu 2 ans de pseudo-concertation avant d'arriver à une étude d'impact dont même le conseil d'état critique l'insuffisance. Impossible de se faire une idée de qui sera gagnant (il y en aura certainement) et qui sera perdant (la majorité).
Certes le matelas de sécurité pour les plus basses pensions sera étoffé (de pas beaucoup en fait), mais les carrières hachées de contrats précaires à temps partiel et de périodes de chômage sans indemnité, en particulier pour les femmes, qui seront majoritairement perdantes du fait de plusieurs mesures qui y concourent.

Vers un système de pensions privées ?

C'est le second objectif, lui aussi masqué. En apparence la baisse des cotisations ne touche que les très hauts revenus, dont les entreprises sauront compenser la baisse des pensions en alimentant des fonds de pension privés. Les dits fonds de pension s'en sont publiquement réjouis. Mais le pire est probablement, que cette très forte baisse des plus hautes cotisations va représenter un manque à gagner énorme pour les recettes du régime général.

Convergence des régimes de retraite.

Certes l'alignement des régimes est souhaités par la majorité de nos concitoyens. Cela a indéniablement du sens, car certaines différences historiquement justifiées n'ont plus vraiment de fondement aujourd'hui. 
Mais la discussion et de vraies négociations auraient du être lancées avec les partenaires sociaux. Il faut en effet avoir en tête que les retraites ne sont qu'un revenu différé. Des taux de pension alignés sur les dernières années compensaient le plus souvent des revenus instantanés plus faibles : c'est évidemment le cas dans le secteur public ou para-public.
Baisser le taux de remplacement en échange de vraies revalorisations salariales reste entendable, à condition que tout le monde s'y retrouve. Là aussi aujourd'hui, c'est le flou.
Et on peut craindre que ce soit un marché de dupes car de vraies revalorisations se traduiront par des milliards d'euros dans le budget public, ce que le gouvernement Macron ne peut accepter car cela revient in fine à augmenter le "coût du travail".

Un système plus juste : un euro cotisé...

L'alibi majeur de la réforme est celle d'un système plus juste qui traiterait tout le monde de la même façon. Mais quelle justice ? Un système qui pousse à ce que tout le monde, quelle qu'ait été sa carrière, parte en retraite à 64 à 65 ans, "grâce" à l'age d'équilibre ?
On sait bien que l'espérance de vie, et de vie en bonne santé,  dépend largement de la pénibilité de la carrière et des conditions d'exercice des métiers correspondants.
C'est aussi pour cela l'âge de la retraite était modulé dans la plupart des régimes particuliers.
Or la prise en compte de cette réalité n'est que très partielle dans les projets du gouvernement. C'est l'aspect solidarité de notre système de retraite, qui est profondément mis à mal, au profit de l’exacerbation de l'individualisme.

lundi 12 avril 2021

Déjà plus d'un an

Un an et plus !

(Faut-il le dire : à lire au moins au troisième degré, ni au premier degré et encore moins au second)

Tout avait pourtant bien commencé

Pensez donc, une maladie qui s’en prenait aux vieux et les tuaient en épargnant les jeunes.

Un rêve pour les néo-libéraux comme Mr President : mieux qu’une réforme des retraites problématique et compromise. On allait pouvoir se rapprocher de l’idéal néo-libéral français : rester en dessous des 14% du PIB pour les retraités. L’objectif avoué discrètement, mais habillé d’un égalitarisme de façade pour faire avaler la pilule.

On n’y avait pas pensé jusqu’à présent : pour contenir les retraites on s’appuyait sur les vieilles recettes, diminution des droits par des calculs variés, recul plus ou moins déguisé des l’âge où l’on peut toucher une pleine retraite avec force décotes.

Et oui, il existe une troisième voie : raccourcir l’espérance de vie. Surtout la vie « médicalisée »et les dépenses de santé improductives qui accompagnent la fin. Quoi de mieux que des Ehpad transformés en abattoir ?

 

Faillite de l’énarchie

Las, on est encore dans un pays démocratique : on y tient à nos vieux, et puis y’a pas que les vieux qui sont mortellement atteints. Il faut donc entrer en guerre contre cet ennemi retors et invisible, arrêter le scandale des Ehpad mouroirs qui finit par être connu.

Ne reprenons pas ici la litanie des erreurs commises dans une situation il est vrai inédite.
Essayons juste de tracer les contours des insuffisances de nos politiques et autres hauts fonctionnaires issus de l’énarchie :

  • Une culture scientifique et technique à renforcer très sérieusement. On peut leur faire crédit de savoir ce qu’est une extrapolation linéaire, mais l’exponentielle est manifestement au-delà de leur imagination.
  • Dans le même ordre d’idée, une terra incognita : le logistique qui pourtant se porte bien par ailleurs en France. On croit entendre : « l’intendance suivra », d’où des Bérézina en cascade.
  • Un jacobinisme outrancier qui fait mépriser les acteurs de terrain capables de résoudre à leur échelle des problèmes de logistique et qui sont confrontés aux réalités.
  • La gestion de crise ? Excepté l’intérieur (et l’armée) une autre terra incognita pour nos politiques et hauts fonctionnaires. L’organisation de gestion de crise ça s’apprend pourtant. Et la communication en situation de crise ça ne s’improvise pas. Il faut savoir articuler une parole de vérité sans être trop anxiogène.
  • La prétention à être plus intelligent que les autres :
    «  les épidémiologistes prévoient une explosion de l’épidémie en février ? Que dalle ! Pas de mesures plus fortes. »
    Sauf qu’ils ne s’étaient trompés que sur le moment exact.
    Trop d’hypothèses rendaient la date incertaine : tout le problème était de savoir quand s’inverserait la pente ; la décroissance du « variant historique » masquait la montée en puissance explosive des variants. L’expérience des Anglais auraient dû rendre notre néo-Napoléon plus modeste. Mais c’est vrai que l’on est plus intelligent que les Anglais, les Italiens...
  • Un principe de précaution érigé en dogme jusqu’à l’absurde, pur alibi. Pour le coup, on fait comme les voisins, tout en sachant que c’est une semaine perdue de plus.

Encore en démocratie ?

Certainement. Mais pour combien de temps ? Touche après touche, état d’urgence après état d’urgence, on restreint les libertés publiques, le droit d’informer et d’être informé, la liberté d’aller et venir, le droit d’avoir des opinions et de les exprimer, de débattre de sujets sensibles, le droit de croire et de le montrer. Ça rogne par tous les bouts, tout est bon.

La dernière en date : repousser les élections aux calendes grecques, alors que l’on nous a exposés, sans beaucoup d'hésitation, aux municipales (pas d'impact sanitaire grave, heureusement) et que l’on annonce des réouvertures de lieux maudits hantés par le virus dès mi-mai ? Et cette fois en  s’abritant derrière des recommandations des experts et les réticences des élus - les recommandations sont très difficiles à mettre en œuvre -. Ironique quand on se souvient que les recommandations des mêmes pour un reconfinement rapide ont été balayées d'un revers de main plusieurs fois.

dimanche 2 février 2020

Réforme des retraites ou libéralisme pur et dur ...

Ni de droite, ni de gauche...

Effectivement le capitalisme - je ne sais plus qui l'a dit - n'est ni de droite, ni de gauche. Il est lui, qui peut aussi bien s'accommoder d'une gauche Hollandaise molle qui accepte une logique de marché peu régulé, que d'une droite imbibée d'idéologie libérale.
Mais Macron réussit le tour de force d'incarner un libéralisme complètement débridé et sans état d'âme tout en le masquant derrière un rideau de fumée. Mieux que Sarko !
Ceci dit j'ai toujours du mal à comprendre comment bon nombre d'ex gens de gauche n'ont pas la lucidité nécessaire pour le voir. 
Pourtant, les premières mesures en faveur des plus riches auraient du déciller les yeux. Ceci, et le grignotage méthodique et systématique du système d'aide social, à coups de réductions de budget, de compression de personnel social, de réductions des subventions : pas un secteur d'épargné. Il est vrai que chaque fois, cela se fait au nom de la rationalisation mais avec, à la clef, des baisses globales.
C'est l’écœurement  qui nous saisit en regardant le tableau d'ensemble.

La réforme des retraites est emblématique à cet égard.

Au nom de l'égalité de traitement on prétend supprimer les "privilèges" des régimes spéciaux en les alignant sur un régime général, lui-même sérieusement attaqué.

Le premier objectif sous-jacent, souvent passé au second plan est simple : faire baisser au-dessous des 14% du PIB les pensions des retraités. Les pensions de retraite sont un salaire différé : comme il n'est pas question d'augmenter le "coût du travail", autrement dit la rémunération du travail, cela signifie que l'objectif est d'augmenter la rente du capital.
C'est la boussole du quinquennat : il n'y a pas une mesure qui de près ou de loin s'écarte de cet objectif. Et quand ça crie trop d'un côté, style gilet jaune, on prend à Paul (sans le dire) pour donner à Pierre : c'est comme dans un lit à 2 (ou plus) avec une couverture trop petite.
Quelquefois ça finit très mal d'ailleurs. Et l'on fait le lit ... du populisme.
 
Pour masquer cette obsession libérale, quoi de mieux que de passer à un système à points qui permet de la diluer dans un épais brouillard. En plus c'est un système, sur un paramètre duquel il suffit de jouer, pour baisser les pensions à venir : les promesses d'aujourd'hui de maintien du niveau du point n'engagent que ceux qui y croient. 

Il a fallu 2 ans de pseudo-concertation avant d'arriver à une étude d'impact dont même le conseil d'état critique l'insuffisance. Impossible de se faire une idée de qui sera gagnant (il y en aura certainement) et qui sera perdant (la majorité).
Certes le matelas de sécurité pour les plus basses pensions sera étoffé (de pas beaucoup en fait), mais les carrières hachées de contrats précaires à temps partiel et de périodes de chômage sans indemnité, en particulier pour les femmes, qui seront majoritairement perdantes du fait de plusieurs mesures qui y concourent.

Vers un système de pensions privées ?

C'est le second objectif, lui aussi masqué. En apparence la baisse des cotisations ne touche que les très hauts revenus, dont les entreprises sauront compenser la baisse des pensions en alimentant des fonds de pension privés. Les dits fonds de pension s'en sont publiquement réjouis. Mais le pire est probablement, que cette très forte baisse des plus hautes cotisations va représenter un manque à gagner énorme pour les recettes du régime général.

Convergence des régimes de retraite.

Certes l'alignement des régimes estsouhaités par la majorité de nos concitoyens. Cela a indéniablement du sens, car certaines différences historiquement justifiées n'ont plus vraiment de fondement aujourd'hui. 
Mais la discussion et de vraies négociations auraient du être lancées avec les partenaires sociaux. Il faut en effet avoir en tête que les retraites ne sont qu'un revenu différé. Des taux de pension alignés sur les dernières années compensaient le plus souvent des revenus instantanés plus faibles : c'est évidemment le cas dans le secteur public ou para-public.
Baisser le taux de remplacement en échange de vraies revalorisations salariales reste entendable, à condition que tout le monde s'y retrouve. Là aussi aujourd'hui, c'est le flou.
Et on peut craindre que ce soit un marché de dupes car de vraies revalorisations se traduiront par des milliards d'euros dans le budget public, ce que le gouvernement Macron ne peut accepter car cela revient in fine à augmenter le "coût du travail".

Un système plus juste : un euro cotisé...

L'alibi majeur de la réforme est celle d'un système plus juste qui traiterait tout le monde de la même façon. Mais quelle justice ? Un système qui pousse à ce que tout le monde, quelle qu'ait été sa carrière, parte en retraite à 64 à 65 ans, "grâce" à l'age d'équilibre ?
On sait bien que l'espérance de vie, et de vie en bonne santé,  dépend largement de la pénibilité de la carrière et des conditions d'exercice des métiers correspondants.
C'est aussi pour cela l'âge de la retraite était modulé dans la plupart des régimes particuliers.
Or la prise en compte de cette réalité n'est que très partielle dans les projets du gouvernement. C'est l'aspect solidarité de notre système de retraite, qui est profondément mis à mal, au profit de l’exacerbation de l'individualisme.

mercredi 30 janvier 2019

5 de cordée


En ces temps là, tout était simple.
Pour Marx, et quelques autres,il y avait la classe honnie des capitalistes, détenteurs des moyens de production, et les prolétaires qui n'avaient rien à vendre que leur force de travail.

Quelques classes intermédiaires aussi, comme les paysans,  du personnel d'encadrement, des commerçants, qui aux aux yeux de Marx avaient un côté parasite.
La réalité aujourd'hui est passablement plus complexe.
Les classes intermédiaires se sont considérablement étoffées, la classe paysanne s'est réduite à une portion congrue, et globalement les statuts sociaux peuvent être très différents au sein d'une classe définie par sa place dans le système de production.

Parabole de la cordée : au-delà du premier !

Puisque notre président semble adorer les images, nous allons prolonger son analogie du premier de cordée. Ce qui suit ne doit être pris que comme une esquisse d'analyse socio-économique.  Soit une cordée de cinq : 

les premiers de cordée sont les 1%, où l'on trouve les "100 familles" et aujourd'hui les patrons de l'industrie et du commerce, les Carlos Ghosn, les Henri Proglio, dont l'âpreté au gain est bien connue. 

On les voit rarement directement aux manettes politiques.

Maintenant séparons le reste des français en 4 parties équivalentes.

Les cinquièmes de cordée sont les ménages les plus pauvres, en dettes permanentes, suspendus aux aides sociales. 

On y trouve les 10% considérés comme pauvres selon les statistiques. Ils sont souvent dans les banlieues ghettoïsées des grandes villes. Globalement ils n'ont pas bénéficié des mesures d'urgence de Macron, du fait du mode de calcul de la prime d'activité ! Pour la toucher il faut déjà toucher un 1/2 smic. Et quant aux heures sup ... si on est à mi-temps, ça ne marche pas.

A l'autre bout, les seconds de cordée ont les yeux rivés sur les premiers de cordée :

cadres supérieurs aspirants directeurs, professions libérales cossues, professeurs d'université ou directeurs de recherche, hauts fonctionnaires de l'état, commerçants florissants. Ils ne comprennent guère les gilets jaunes : les fins de mois sont rarement difficiles pour eux. Ils sont le plus souvent urbains et les dépenses liées à la voiture ne sont pas leur souci. Ce sont chez eux que l'on trouve le cœur des 18% d'électeurs qui ont voté Macron au premier tour. Ce sont chez eux que se recrutent les serviteurs zélés, pour ne pas dire les laquais, qui portent la livrée néo-libérale qui sert les premiers de cordée.

Entre les deux, les troisièmes et quatrièmes de cordées.

Pour l'instant, arrêtons nous sur les quatrièmes de cordée : ils sont certes au-dessus du seuil de pauvreté mais les fins de mois sont acrobatiques. Un pépin et tout s'effondre. 

C'est vivre aujourd'hui dans la crainte permanente du lendemain qui déchante.
Les deux tiers ou les trois quarts des revenues partent en dépenses obligées non modulables : factures d'énergie et d'eau, loyers, remboursements d'emprunts, assurances ... et transports.
C'est le creuset des "jojos" gilets jaunes : des fonctionnaires au bas de l'échelle, des employés ou ouvriers du privé, de petits commerçants ou artisans, des petits retraités qui ont trimé toute leur vie pour une faible pension en peau de chagrin.

Les troisièmes de cordée ont un revenu médian : ils s'en sortent mieux mais pas au point de vivre tranquilles. 

S'ils perdent leur emploi, ils peuvent tomber dans la précarité, et ils le savent : des fonctionnaires, par exemple des enseignants, des agents de maîtrise ou des cadres du privé, des commerçants qui s'en sortent, des retraités plus aisés.

Globalement ils sont plutôt du côté des gilets jaunes, mais la violence des effraie.
Eux non plus n'ont guère été touchés par les mesures de Macron hormis la suppression de la taxe d'habitation. 

La cordée dans le débat

Le quatrième met son gilet jaune.
Le cinquième soupire ou approuve, mais ne moufte guère : d'abord il n'a pas de voiture et il a déjà la tête sous l'eau.
Le troisième regarde le quatrième, le comprend, l'approuve, et le soutient discrètement.
 
Parmi les deuxièmes, les plus obtus ou les plus cyniques des Macroniens restent figés dans leurs certitudes. Les autres hésitent, voire sympathisent, du moins au début du mouvement, avant que monte la violence bien mise en scène par les médias.
Globalement, ils sont moins sensibles que les 3 4 5ième de cordée au thème de la justice fiscale, entendue comme l'augmentation des impôts pour les hauts revenus. Et ce d'autant qu'un impôt plus progressif ou une augmentation des droits de succession pourraient les toucher. D'où d'ailleurs la cacophonie de l'exécutif sur les augmentation d'impôt. Maire rassure d'abord : les seconds de cordée, aussi, vont bénéficier de la suppression de la taxe d'habitation !  Mais d'autre parlent d'un retour déguisé à l'ISF, ou d'autres manière de taxer les plus riches. Niet dit alors Monsieur le Président. Sinon on perd nos soutiens (in petto).
Ceci dit, même chez eux, la suppression de l'ISF et la flat tax sur les revenus des capitaux mobiliers passent mal.
Pour la partie la plus à droite de cet électorat des deuxièmes de cordée, le gouvernement rajoute du zeste piqué à Sarko ou Fillon : nouvelle loi liberticide sur les manifestations, réouverture du dossier des quotas d'immigration ...




jeudi 6 décembre 2018

Qui sème du vent, récolte une tempête

Introït !

Du vent, on en a eu : un "ni droite ni gauche", qui se traduit en fait par 90% de droite et un vague zeste de gauche verdie.
Déjà une longue liste de mesures, libérales au sens économique, voire de droite dure, que ne renierait pas Sarkozy ! Un vrai blizzard !
  • Droit du travail augmentant globalement la précarité, sans contrepartie pour les salariés
  • "Libéralisation" de la SNCF aux dépends des futurs embauchés
  • Suppression des emplois aidés du secteur associatif et des collectivités locales
  • Rognage des APL
  • Rabotage des aides à la personne de toute nature
  • CSG augmentée pour les retraités, blocage des retraites...
  • Aucun coup de pouce pour le SMIC
  • Et péchés originels, bien plus que symboliques, suppression de l'ISF et flat tax pour les revenus du "capital"
  • Sans oublier la transformation du CICE en exemption de cotisations pour les entreprises : sous prétexte de baisser le coût du travail, on regonfle surtout les marges des entreprises, pour le plus grand bénéfice des actionnaires
  • Durcissement sans précédent des lois sur l'immigration
  • Une justice mise encore plus sous pression et sous contrôle
  • Une augmentation scandaleuse et vicieuse des droits d'inscription pour les étudiants étrangers hors CE, aux dépends du rayonnement de la France, bloquant les étudiants modestes à nos portes.
  • Repli progressif et systématisé des services publics de proximité
Pour les mesures de "gauche", difficile d'en trouver. Un peu de vert pour compenser le départ de Hulot : l’allumette des taxes sur le carburant et le "carbone"! L'augmentation touche surtout les particuliers ; pas le transport aérien, par exemple, alors que son impact sur le réchauffement climatique est énorme. Mais tout le monde a bien compris que les recettes serviront essentiellement à compenser les baisses d'impôt consenties aux entreprises et aux plus riches.

Tout cela agrémenté d'un florilège d'expressions hautaines et méprisantes à l'égard des "râleurs", des chômeurs, des seconds de cordée ... 
Mais aussi, comme avec Trump (!), retour des vieilles lunes libérales comme la théorie du "ruissellement" qui imbibe, sans le dire, toutes les mesures prises.

 Caste, classe, de nantis 

Il y a eu récemment une analyse fouillée, faite par la fondation Jean-Jaurès, sur les sympathisants de LREM :
Sans surprise pour qui les côtoie, le noyau des supporters Macroniens, ce sont des cadres plutôt "supérieurs", des professions libérales aisées, très peu touchés par la crise ou l'incertitude économique, essentiellement concentrés dans les métropoles. 
Mais au gouvernement, moins qu'issus de la "société civile", ce sont des rejetons de la technocratie que l'on trouve, en césure totale avec la réalité sociale du "peuple" français.
C'est cette classe sociale, qui se ghettoïse elle-même, qui est aux manettes avec Macron. Ce sont ses intérêts qui priment sur le sort des classes "populaires" et celui des classes moyennes en voie de déclassement, voire de paupérisation.

Gilets jaunes


L'immense mérite du mouvement des gilets jaunes est d'avoir mis à nu cette réalité de classe.
La désespérance accumulée depuis Sarkozy, en passant par Hollande qui a fait le lit de Macron, explique la violence du ressentiment, qui ne peut plus s'exprimer politiquement, ni même syndicalement, de façon efficace. Le couvercle de la marmite était bien fermé, et la pression montait.
On ne peut excuser les débordements violents, mais on peut les comprendre, tant l'exaspération est forte. Qui peut dire si le mouvement des gilets jaunes va se calmer plus ou moins vite ? Le gouvernement et Macron semblent avoir enfin compris que les beaux discours, les belles analyses ne suffisent pas. Pas de trêve possible sans mesure concrète pour améliorer rapidement la situation économique des classes sociales victimes de la politique de ce gouvernement, et de ceux qui l'ont précédé.
Mais quelle que soit l'issue du mouvement, comme comme après 68, les participants en resteront marqués à vie. Une fois la prise de conscience effectuée il n'y a pas de retour en arrière possible ; et la réalité de la politique des élites auto-proclamées, des premiers de cordée, s'est dévoilée. 
Comment cette prise de conscience se traduira-t-elle politiquement ?
Par l'émergence d'un nouveau mouvement ? Mais on peine à l'imaginer aujourd'hui, tant les gilets sont bigarrés.
Par la résurrection des partis de gauche ? Mais on peine à y croire encore.
Le PS serait bien placé, car c'est largement sa base sociale historique qui manifeste.
Encore faudait-il surmonter la parenthèse du Hollandisme encore si prégnante en son sein.